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Sénégal
Sénégal : un bus solidaire sur le chemin de l’école

Le par

Bus solidaire au Sénégal © Association SENS

Voilà une belle histoire de bus et de solidarité à vous conter… direction le nord-ouest du Sénégal, le pays de la Teranga (hospitalité), au cœur de la région rurale de Thieppe. Dans cette zone côtière oubliée, nichée entre l’océan Atlantique, les dunes et les cultures maraîchères, ils seront bientôt une centaine d’élèves à embarquer chaque matin dans un autocar spécialement convoyé de France pour se rendre dans leur collège et ainsi poursuivre leurs études. Après le bus école des Baroudeurs de l’Espoir au Liban, focus sur cet autre projet philanthropique, soutenu par Nomade Aventure, et mené par Olivier Caillaud, de concert avec son ami Adama Ka du village de Ndegou et l’association SENS.

Olivier Caillaud, créateur de voyages solidaires et « intelligents »

Aventurier dans l’âme, ce bourlingueur au grand cœur, multi-casquette, affiche un parcours enrichissant et éclectique fait de voyages et de projets ambitieux. Poussé par son épouse, il débarque chez Nomade Aventure en 2006 comme directeur de la production individuelle. Jusqu’en 2013, il y développe la nouvelle gamme de voyages en liberté « Libre et Nomade » (devenus les voyages sur mesure par la suite), inspirée par un subtil mélange d’audace personnelle et de créativité sans borne.

Ayant passé ses treize premières années en Côte d'Ivoire, guidé par des parents professeurs, c’est aussi un amoureux du continent africain depuis sa plus tendre enfance : une terre qui lui a donné le goût de l’ailleurs, du voyage et des rencontres, et qu'il a sillonné pendant un an, de Poitiers à l’Afrique du Sud, muni d’une simple carte Michelin, d'une soif insatiable de découvertes et… d’un premier enfant en bas âge (il en aura quatre !).

Sa carrière est un melting pot d’expériences : caméraman en Guyane au centre spatial, professeur d'arts plastiques et de français… Depuis 2014, Olivier est désormais consultant indépendant et producteur de voyages originaux auprès des TO avec sa société Oliver Trips. Parallèlement, il est aussi journaliste pour des médias spécialisés et donne des cours en conception de produits touristiques écoresponsables auprès des étudiants de l’école de tourisme Atlas à Bordeaux. Enfin, il représente en France une agence réceptive d'Amérique latine, pionnier du tourisme durable sur le continent sud-américain. 

Véritable artisan du voyage, façonnant chaque projet avec passion et authenticité, ce qui l'anime par-dessus tout dans le tourisme, « c'est de créer des séjours participatifs, expérientiels, éducatifs, intelligents, pour partager de vraies aventures de vie ».

Un tourisme responsable au plus près des populations locales

L'histoire débute en 2006 lorsqu'Olivier arrive chez Nomade Aventure en tant que directeur de la production des voyages en liberté. Pour créer ces itinéraires, il part régulièrement sur le terrain… et dans l'une de ces missions de reconnaissance au Sénégal, il se lie d’amitié avec Adama Ka, un Sénégalais originaire du village de Ndegou. Au nord-ouest du pays, près du désert de Lompoul, ce village complètement isolé en pleine « pampa », accessible à l’époque en charrette tirée par un âne, est situé au cœur de la vaste zone semi-désertique des Niayes. Surnommée le « grenier du Sénégal », cette frange littorale qui s'étend de Saint-Louis à Dakar, est caractérisée par des dunes, la savane et des sols aux multiples sources d’eau souterraines propices aux cultures maraîchères.

Maraîchage dans la région des Niayes au Sénégal © frank boyer/stock.adobe.com

Olivier entreprend là-bas un premier voyage de reconnaissance où il y découvre, ébahi, la présence d'une petite école de fortune : « J'ai été un peu impressionné parce que dans ce village, il y avait une petite case, une paillotte en palmes où il fallait se baisser pour rentrer dedans. J'y ai aperçu plein de petits écoliers amassés qui étaient dans le noir avec un petit crayon et un petit bout de papier, et je me suis dit : « Waouh ! Ils sont motivés les gamins ! Là, il faut faire quelque chose ». » Il décide alors d’élaborer le tout premier voyage solidaire (« La p'tite école de brousse ») chez Nomade Aventure, dont une partie des recettes a permis de financer, année après année, la construction d’une véritable école en dur via l’association SENS (sigle initial : « Solidarité aux Écoliers de Ndegou Sénégal ») fondée à cette occasion : « L'objectif de ce circuit, c'était d'emmener des voyageurs sur place qui pouvaient passer un peu de temps avec un groupe de femmes, partager le matin les heures de classe avec l'instituteur en donnant des cours de français et en animant la vie récréative de cette petite école de brousse. Et l'après-midi, ils allaient dans les champs pour prendre part aux récoltes, et le week-end à Saint-Louis pour se divertir un peu, donc vraiment, ils vivaient comme les villageois. J'ai accompagné la première cliente là-bas et on a dormi à même le sol dans la case du chef du village » se remémore Olivier.

École de brousse dans la région de Ndegou © Association SENS

 

École de brousse dans la région de Ndegou © Association SENS

Dans la lignée de ce circuit et des engagements de Nomade Aventure en matière de tourisme responsable, d'autres voyages solidaires ou en immersion seront créés par la suite dans une logique durable et équitable. La rencontre avec ces communautés, le partage et le respect de leurs traditions séculaires ainsi que de leur environnement, la participation à leurs tâches quotidiennes, l'usage des transports locaux, la restauration en circuit court et les nuits chez l'habitant ou en bivouac près des villages sont particulièrement valorisés dans les programmes de ces aventures. Et c'est bien dans cette intention là qu'a été conçue en 2022 la Méharée au Sénégal : Camel idée en partenariat avec Olivier. Ce voyage en petit groupe emmène les participants parcourir la zone des Niayes, à dos de dromadaire, en compagnie d'un chamelier et d’un nomade chibani expérimenté. Au plus près des villageois, à la ferme, au milieu des plantations, jusqu’au fleuve Sénégal et le parc national de la Langue de Barbarie, les voyageurs passent aussi quelques heures avec les enfants de l'école de Ndegou. Celle-ci accueille désormais 50 enfants « dans 2 bâtiments, avec 4 niveaux de classe, des instituteurs performants, de vrais bancs, des tableaux, un toit, une enceinte autour de l’école et l'électricité dans le village » raconte Olivier non sans émotions après y être retourné pendant l'hiver 2022.

Méharée dans le désert au Sénégal © ALF photo/stock.adobe.com

Voyage solidaire aux côtés des écoliers de Ndegou © Association SENS

Un bus de ramassage scolaire pour aller encore plus loin…

Au cours de ce second voyage en 2022, Olivier s'est rendu compte d'une autre problématique pour la centaine d'enfants de ce village devenus adolescents et rentrant au collège ou au lycée : « J'étais hyper content et ému de voir que cette école était remplie d'élèves, et que ce projet ait pris vraiment corps depuis les années 2000. Mais en partant, j'ai aperçu de nombreux gamins qui marchaient le long de la grande route, qui va de Saint-Louis jusqu'au sud, et qui est assez dangereuse avec des camions qui filent à toute berzingue. Ils étaient chargés comme des bourricots, sous le soleil, les pauvres avec le sac d'école sur leur dos. Et Adama me dit qu'ils font 20 km comme ça, 10 aller, 10 retour pour se rendre au collège chaque jour » explique Olivier. En effet, seuls les enfants dont les familles ont plus de moyens financiers peuvent accéder à leur établissement scolaire en bus local, chaque trajet leur coûtant 3€. « Et la plupart des familles ont environ cinq ou six enfants, ils sont donc contraints d'aller à leur collège à pied ou de ne pas y aller du tout » rajoute Olivier. L'éloignement de leur établissement scolaire situé en général dans les villes, le coût des transports locaux couplés aux bénéfices qu'apportent ces enfants à leurs familles en travaillant, explique en grande partie pourquoi le taux brut de scolarisation (TBS) au Sénégal passe de 81% pour le cycle primaire à 50,6% pour le moyen (collège) et à 30,3% pour le secondaire (lycée) (source : résultats du 5e Recensement général de la Population et de l’Habitat-RGPH-5, 2023). L’abandon scolaire y est important. Alors même qu'en zones rurales, l'accès à l’éducation réduit drastiquement le phénomène des mariages précoces, permettant aux jeunes filles d'aspirer à une vie professionnelle et de choisir leurs maris.

Enfants au bord de la route dans la région de Lompoul au Sénégal © Olivier Caillaud

Pour ne pas laisser au bord de la route tous ces enfants, Olivier et Adama ont donc l'idée de mettre en circulation un bus de ramassage scolaire pour 180 jeunes de la région : « Le bus fera 4 allers-retours par jour entre leurs villages et le collège comme les enfants doivent retourner déjeuner chez eux, faute de cantine » explique Olivier. Écartant l’usage d'un bus local, peu fiable en termes de sécurité, « où l'on voit le plancher à travers », Olivier rencontre un autocariste au Puy-du-Fou en France, qui lui vend un bus de 50 places, qui servait également pour le transport scolaire en France. Dans la continuité de la construction de l'école de Ndegou, et adhérant totalement à ce projet vertueux favorisant le mieux-vivre des populations locales, Nomade Aventure décide de soutenir le projet en finançant l'achat du bus tandis que la commune de Thieppe au Sénégal (dont le village de Ndegou fait partie) prend en charge son acheminement de Beaurepaire en Vendée jusqu’au pays, ainsi que la gestion et l'entretien du bus une fois sur place : « Le coût global de ces différentes opérations, achat et transport du bus s'élève à 12 000€ et les familles des enfants concernés devront payer une petite cotisation mensuelle très peu élevée, moins de 6€ par mois, pour bénéficier de ce service » précise Olivier. D’autre part, pour payer le salaire du chauffeur et l'assurance du bus, celui-ci sera loué le week-end à une infrastructure touristique à Saint-Louis.

Bus solidaire récupéré en France © Association SENS

C'est ainsi que fin mars 2024, Adama Ka, le président de l’association SENS rebaptisée « Santé, Enseignement, Nomade, Solidaire » et Félix Lucien, son adjoint ont remis les clés au chauffeur Elhajd Nour, pour ramener le bus dans son pays. Et c'est un véritable parcours « épique » qu’il l'attendait : de la Vendée au port de Sète, puis, Tanger au Maroc après une traversée de 49h en ferry de la Méditerranée pour ensuite, traverser l’Afrique du Nord et rejoindre le village de Thieppe, au bout de 4200 km, 4 pannes et 6 frontières franchies. « Le but aussi ce n’était pas de descendre à vide. On a descendu du matériel médical, des médicaments provenant de diverses d’associations à Monaco, à Montpellier, car au Sénégal, il y a de fortes pénuries. Et également, du matériel scolaire, 40 ordinateurs portables, des photocopieurs que les élèves du lycée Notre-Dame-de-la-Tourtelière nous ont aidés à récolter » détaille Olivier avant d’ajouter : « on aimerait aussi faire de ce bus le premier cyber-bus du Sénégal, qui fonctionne avec un groupe électrogène, pour que les étudiants puissent surfer sur internet ou faire leurs devoirs tout en étant connectés devant leur collège ou leur lycée. »

Départ du bus solidaire en Vendée avec Adama Ka, président de l'association et le chauffeur Elhajd Nour © Association SENS

Le bus est arrivé mi-avril à Thieppe : « Tout le monde était super content bien qu'il manquait pas mal de matériel médical. On s'est fait rackettés au Maroc et en Mauritanie, mais heureusement pas les ordinateurs » explique Olivier. Une mission médicalisée assurée par des médecins bénévoles de Nice était également présente à l’arrivée permettant d’assurer une consultation gratuite à environ 3 000 personnes dépourvues de structures sanitaires, entre le 11 et le 21 avril.

Des nouvelles récentes du projet et l'avenir…

À l’heure d’aujourd’hui (21 novembre 2024), le bus n'est pas encore en circulation, il le sera en principe cet hiver 2024-2025 : « Garé devant la mairie de Thieppe, le bus est prêt à vrombir mais il y a de grandes lenteurs administratives au Sénégal concernant son immatriculation et le dédouanement des taxes du fait qu'il vienne de l’étranger. Nous devrions être exemptés du paiement de ces taxes, nous attendons des nouvelles de cela d'ici peu… » relate Olivier en soulignant « qu'il faut s’accrocher et être tenace pour faire aboutir des projets solidaires. »

Quant aux futurs projets, l’association SENS prévoit l’hiver prochain la descente d'un second bus, avec du matériel dentaire et médical à son bord, comme le révèle Olivier : « Ce bus itinérant médicalisé, le DOC "o" BUS viendra en renfort des tournées médicales, avec actes médicaux gratuits, que l'on organise dans la commune de Thieppe deux fois par an, et opérées par des médecins bénévoles généralistes ou spécialistes venant de Dakar et de France. Il leur manque ce matériel pour travailler dans de meilleures conditions. »    

Enfin, Olivier fourmille de bien d’autres idées de voyage et actions solidaires : « J'ai monté récemment, avec mon partenaire sud-américain que je représente, un voyage solidaire au Pérou dans une communauté misminay. Nous les avons formé à recevoir des voyageurs, pour faire la cuisine, pour partager avec eux leurs savoir-faire ancestraux comme la poterie ou la pêche. Ils ont aussi construit huit petites huttes pour que les voyageurs puissent dormir et vivre une véritable aventure en pleine immersion ». De quoi mettre en lumière tous ces peuples oubliés du bout du monde…

Route du Sénégal © Laetitia Ferreira/Nomade Aventure

Pour adhérer ou faire un don à l’association SENS : 
https://www.helloasso.com/associations/s-e-n-s-sante-enseignement-nomade-solidaire/adhesions/adhesion-2024-2025-2

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